Quand les parents financent des cours particuliers de Fortnite à leurs enfants
Fortnite, phénomène de société et de cours de récré : certains parents déboursent 10 à 20$ de l'heure pour faire suivre des cours particuliers de Fortnite à leurs enfants, et leur éviter les railleries servies aux joueurs pas assez performants.
Au-delà du nombre de joueurs, de spectateurs sur Twitch ou du chiffre d'affaires qu'il génère, un jeu mesure son succès aussi sans doute à l'incongruité des pratiques de ses joueurs. Fortnite est évidemment immensément populaire actuellement auprès des jeunes joueurs en ligne, et s'y distinguer pour s'imposer comme le dernier survivant d'un match relève manifestement maintenant d'un enjeu majeur.
Si l'on en croit le Wall Street Journal qui a interrogé quelques parents de joueurs, cet enjeu revêt aujourd'hui une telle importance qu'ils sont prêts à financer des cours particuliers à leur progéniture (pour 10 à 20 dollars de l'heure) pour les aider à améliorer leurs performances dans le jeu de Battle Royale. Et d'évoquer l'exemple de cette maman, Ally Hicks, ayant investi 50 dollars pour que son fils de dix ans puisse suivre quatre heures de coaching en ligne qui devraient lui permettre de mieux jouer à Fortnite, de remporter quelques matchs et d'améliorer son classement. Pour quelle raison faut-il être performant dans Fortnite ? Selon la maman, « il n'y a pas seulement la pression quant au fait de jouer [à Fortnite], mais aussi d'être réellement bon au jeu... Vous pouvez imaginer ce que c'était à l'école ».
En d'autres termes, le jeu s'impose comme une telle référence dans les cours de récréation que la reconnaissance et la popularité de l'enfant passe aussi par sa réussite dans le jeu d'Epic Games.
Et si l'exemple reste manifestement encore très marginal et n'est sans doute pas généralisable, il n'en est pas moins sans doute révélateur de certaines évolutions de nos sociétés. Les objets culturels ont certes toujours été aussi des objets de socialisation -- au contraire de certains discours qui dénonçaient un risque supposé d'isolement des gros joueurs, le jeu vidéo (tout comme les comics, le cinéma ou la télévision quelques décennies plus tôt) s'est imposé comme un objet social, porteur d'échanges et de partages au point que dans les cours de récréation, l'isolement touchait plutôt les non joueurs, qui ne disposaient pas des mêmes codes sociaux que leurs camarades, et le phénomène se reproduit à tout âge autour de la machine à café de nombre d'entreprises. Mais dans le cas présent, le jeu lui-même comme objet de socialisation ne suffit manifestement plus et il convient donc d'être aussi un joueur « efficace » pour trouver sa place dans une société (ultra) compétitive dès le plus jeune âge.
Chacun en tirera ses propres conclusions : les uns y verront peut-être la reconnaissance pleine et entière des activités vidéo ludiques (au même titre que les qualités des pianistes virtuoses ou des grands sportifs peuvent se déceler et s'entretenir dès le plus jeune âge, en vue de carrières professionnelles ouvertes à seulement quelques élus), mais les autres se souviendront peut-être avec nostalgie de ce temps (pas si lointain) où le jeu servait d'abord à s'amuser (aussi dans les cours de récré).
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